About Me Press kit Dans Rendez-Vous N°9

- Christine Boutin au gouvernement, ça donne envie de réagir non ? (sans parler
de C Vanneste député... qui se représente)

Cela énervera si je dis ça, mais, ça ne me dérange pas plus que d’autres choses. Christine Boutin n’est pas à un ministère déterminant pour les gays et il y aura toujours des députés homophobes comme Vanneste. L’important est de savoir quelle est leur liberté d’expression et comment s’assurer qu’ils n’agressent pas sans cesse des minorités qui se sentent concernées par leurs propos. C’est une question d’autorité gouvernementale… et on verra comment le gouvernement Sarkozy va se comporter. Je crois savoir qu’il n’aura aucun scrupule à virer les personnes qui posent problème.

- Les agressions homophobes en augmentation : est-ce à dire que l’on se trompe
sur la (relative) acceptation des homos en France ?

Les initiatives contre l’homophobie sont un combat nécessaire. Je ne crois pas que les cas sont en augmentation puisqu’il n’y avait pas de statistiques avant. Je ne crois pas, non plus, que ce soit l’alpha et l’oméga de la question gay aujourd’hui. Quand je vois des papiers sur Eric Verdier dans Le Monde et dans Préférences, qui dit que l’homophobie est si importante actuellement qu’elle fragilise les hétéros…c’est n’importe quoi. Un hétéro, même jeune, qu’on traite de tapette, il rigole. Les jeunes hétéros n’ont jamais été aussi cool avec les gays : si vous voulez que je vous rappelle comment c’était il y a vingt ans, je peux le faire. C’était beaucoup plus violent et, en plus, les gays étaient totalement invisibles. Le succès même de la Gay Pride en est une preuve et il y a beaucoup de gays qui sortent en boite avec des hétéros, ce qui ne se faisait jamais avant. En fait, l’obsession de l’homophobie est consensuelle dans un milieu associatif LGBT qui se déchire avec rage. C’est le dénominateur commun qui permet de ne pas aborder les questions plus graves : si les gays sont vus sans cesse sous l’angle victimaire, est-ce que cela les dégage de leurs responsabilités en termes de prévention sur le sida et de santé publique ? Non. Et ça, personne ne le dit. Une minorité ne doit pas seulement exiger, elle doit nourrir la société par sa réflexion et son effort, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

- La Gay Pride, que visiblement tu ne tiens plus à fréquenter, est-ce un leurre ?
Du genre 4 heures pour faire le beau et le reste, une année, pour fermer sa
gueule ?

Je n’y vais plus parce que je connais par cœur, mais je suis content que ce soit un succès. Je suis content pour ceux qui y vont.

- Etre gay ou lesbienne en 2007, c’est plus de consommation et moins
d’engagement ?

C’est une consommation forcenée et un engagement absent. Dans la zone publique, on s’offusque des scandales homophobes, mais il est très clair que dans la zone privée, c’est chacun pour soi et, franchement, la très grande majorité des gays et des lesbiennes ne sont pas concernés par les problèmes des transexuels, je vous assure. Et avant de faire semblant de s’engager pour des gays et des lesbiennes en Irak, il serait judicieux de régler le problème en France, ça fait quinze ans que je le dis aux organisateurs de la Gay Pride. C’est facile de critiquer ce qui se passe ailleurs, plus difficile de poser la question de notre propre racisme homosexuel envers les autres. Et il est bien réel !

- Pink se casse la gueule, Têtu lui va plutôt bien : qu’est ce qui selon toi
fait qu’un modèle réussit et pas l’autre ?

Cela se résume à du travail et, dans le cas de Têtu, un soutien indéfectible de Pierre Bergé. Têtu est clairement le meilleur magazine gay et lesbien au monde, les gens ne le voient pas encore et, avec la nouvelle formule, c’est comme s’il y avait tellement de choses à lire que le magazine paraît presque trop riche, trop varié. Quand nous aurons fait la révolution de notre site web, Têtu sera à la pointe.

- Tu vis à la campagne, le fameux "loin de Paris", mais ton regard sur la
communauté gay reste juste (et parfois implacable)

Ce qui est fascinant, c’est que cette communauté perd son humour. J’ai une réputation de grincheux militant, mais ce sont les gays qui ont jeté leur autodérision aux oubliettes. Si on ne peut plus faire de blague sur les nounours, les mecs cuirs, les folles fashion, alors c’est que le politiquement correct interdit d’émettre le moindre avis sur cette communauté qui ne soit pas le sempiternel : « On souffre ! ». Il est facile de remarquer que les seuls gays affirmés qui sont respectés dans le cinéma ou la littérature sont des séronégatifs flippés et ils en jouent pour faire des films qui vont à Cannes. La société adore ce côté plaintif gay, il faut en sortir. Mon avis définitif, c’est que les gays, en tant que minorité, souffrent BEAUCOUP moins que les autres minorités non visibles de la société, comme les Arabes et les Noirs. Il faut arrêter de se plaindre. Nous disposons d’un tissu associatif, de médias, de moyens non négligeables, de traitements efficaces contre le sida, de voyages à l’étranger, d’une écoute politique, il faut s’en servir pour montrer que les gays peuvent à nouveau être leaders en termes de politique et de création. C’est loin d’être le cas – et le reste de la société le voit. Nous devons être moins égoïstes. Il est possible de sortir de ce marasme gay.

- Dans ton dernier ouvrage, on découvre un Lestrade dont la colère est plus
rentrée. Pourtant la situation sur pas mal de fronts n’est pas si
différente. Parce que tu es fatigué d’être l’un des seuls qui élève la voix
(sur le relâchement, sur la prévention... par ex), que tu veux te protéger
ou que tu fais un constat d’échec ?

C’est tout à la fois : l’échec, la protection de moi-même, l’envie de dire ce que je pense avec liberté, faire le point, l’espoir naïf que cela puisse servir à certains. Je suis fasciné par le côté aphone de cette minorité, qui n’aborde jamais les problèmes de notre vieillesse, de nos engagements oubliés, des relations que nous devons avoir les uns avec les autres, de l’impact d’Internet sur notre sexualité, de la fuite massive vers la psychanalyse. Nous avons sacrifié de nombreux principes pour le luxe de pouvoir baiser à nouveau sans contrainte. On croit oublier le sida en développant une épidémie morale qui est en train de produire une deuxième vague du sida, uniquement chez les gays des pays riches.

- "Cheikh", c’est "ta lettre à un jeune" gay ?
Oui, dans un sens, je m’adresse aux gays de mon âge pour relever leurs questions, mais je me tourne vers les jeunes car nous avons besoin de « passeurs », d’aînés qui racontent la vie d’avant et qui puissent faire des parallèles avec ce qui se passe aujourd’hui. Ce n’est pas de la nostalgie, c’est vraiment des pistes pour le futur. Et en plus je suis tombé amoureux d’un mec génial de 25 ans !

- La place de la musique dans ta vie aujourd’hui ?
Elle est secondaire parce que j’ai passé, vraiment, 45 ans à être à fond dedans, depuis tout jeune, et je n’ai plus peur de dire que je suis largué dans certains domaines. C’est reposant.

Documents joints