About Me Actus Chez 2theGroove

Super gentille interview pour le site de musique 2theGroove. Bon, OK, j’ai tendance à dire toujours la même chose, mais il faut admettre, parfois il faut répéter et répéter et répéter les choses pour se faire comprendre.

Pourquoi avoir publié « Chronique du Dancefloor » ?
C’est l’éditeur Jean-Christophe Napias qui m’a contacté sur FB, et c’est un de ses premiers livres édités et comme il s’agissait d’un fan adorable et qu’il avait le courage de me proposer cette idée, j’ai accepté tout de suite. Surtout qu’il y avait l’idée de publier un livre assez joli, avec un design créé par le garçon qui a fait la maquette du site de news pour lequel je travaille, Minorités.org. Je ne pensais pas que ces chroniques seraient rééditées un jour, et ça m’a aidé, car je vois bien qu’il existe une mystique culturelle autour de ces chroniques et de cette époque à Libération.

Pourquoi ne pas y avoir mis tous tes articles ?
Parce que tous ne sont pas bons ! Et puis ça serait trop long, il y en avait beaucoup, par exemple il y a très peu de chroniques de disques de R&B ou de soul dans le livre. Souvent, je suivais la promo aussi, il fallait parler de tel ou tel disque que je ne trouvais pas si génial, mais mon idée était de parler de presque tout, donner un avis sur ce qui sortait et avoir un point de vue sur ce qui est « commercial » ou pas.

Tu as été l’un des premiers journalistes à parler de House Music. Peux-tu nous parler de ta rencontre avec cette musique ?
C’est une élongation de la disco, de la Hi-NRG, du garage, du dub, de l’electro, du freestyle. Et comme on était très peu nombreux à l’époque à faire un lien entre ces musiques qui attiraient finalement des publics différents, quand est sorti « Set It Off » de Straffe, j’ai tout de suite compris que tous les genres musicaux précédents étaient le préambule de cette simplicité house, très minimale, que j’attendais inconsciemment dans ma tête depuis mon enfance. Je n’aime pas la variété, j’ai aimé le rock, mais à cette époque je n’en écoutais plus, d’ailleurs je n’écoutais pas de « musique blanche ». Donc la house est arrivée et ça a fait shazam dans ma tête car quand j’ai entendu ces snares et cette fausse pédale charleston du fait tsaaa-tsaaa-tsaa, je me suis dit, « bingo, c’est un nouveau genre, ils ont épuré toute la structure, enlevé les chorus, tout est linéaire, c’est un jalon de la musique ».

En France cette musique est née dans les clubs gays. Penses-tu qu’intrinsèquement il y a un lien entre la House et la culture gay ? Pourquoi ?
Parce qu’à l’époque les gays étaient encore dans cette idée d’être à l’avant-garde, une sorte de point d’observation du monde, des éclaireurs. Ce qu’ils ne font plus beaucoup aujourd’hui où la beaufitude est revendiquée. Et puis, je l’ai beaucoup expliqué, 1986 et 87, à la vraie naissance de la house, son envol en tout cas, les gays étaient vraiment dans le drame du sida et cette musique est devenue le fond sonore de ce qu’ils vivaient, surtout à New York et Chicago. Ce sont les noirs gays en fait qui ont créé ça, et les gays blanc comme moi ont suivi. Mais ceux qui ont suivi avaient vraiment ce coeur soul, très Philly, et il fallait comprendre les codes blacks pour piger vraiment ce que cette musique voulait dire, au niveau spirituel. C’est Sylvester qui meurt et qui revient sur terre grâce à Kenny Bobien.

Tout le monde parle du Paradise Garage. Il paraît que tu l’as connu. Que peux tu nous en dire ?
Oui, je suis fier d’être le seul de cette génération de journalistes à y être allé en 87, avant que ça ne ferme, et c’était toujours impressionnant à cette époque, même si le sommet du Paradise Garage était avant. Comment dire ? Je l’ai décrit plein de fois, c’était grand, plusieurs salles dont une avec des fontaines de soft drinks et des fruits et des divans, des chiottes immenses et une salle principale où, dès mon arrivée à 6h du matin, j’ai reconnu Larry Levan en haut du DJ booth que j’avais pourtant vu qu’une seule fois, dans une toute petite photo publiée dan le magazine anglais « Blues & Soul ». J’étais pétrifié de joie, comme si c’était le Saint Graal. Et tout, le son, la sono, les gens, le mix du public, l’ambiance (très Body & Soul de plus tard) était exactement selon la réputation du club. J’étais très fier car mon boyfriend new-yorkais, qui était blanc, avait sa carte de membre. Cette nuit m’a beaucoup, beaucoup marqué.

La House a beaucoup changé ces derniers temps. Quelle observation en fais-tu ?
Ça m’intéresse toujours mais je considère que je suis arrivé à un plateau où je comprends tout ce qui sort, donc je ne suis plus du tout dans une idée de découverte. D’une manière générale, je vis à la campagne depuis 10 ans et j’aime le silence donc je n’écoute pratiquement plus de musique, à part quand des amis me font découvrir ceci ou cela. Je crois que mon écartement de la musique vient du fait que je n’écris plus sur la musique dans la presse, je voudrais bien le faire, mais c’est comme ça, la presse n’est plus intéressée par des analyses longues sur ce qui se passe. Et comme je ne vis plus de ce travail, financièrement, je m’en détourne car pour moi la musique était mon travail. Si le travail est fini (je n’ai plus de carte de presse) alors la musique est finie pour moi aussi.

A propos de House Music, y’a t il un nouvel artiste qui attire ton attention ?
Non, je suis tellement plus intéressé par d’autres genres comme le R&B et je dis toujours que la découverte de Monolake a été pour moi un sommet, même si on développe l’idée de Monolake, c’est malgré tout un landmark, et pour moi cet aspect minimal et très organique de Berlin répond à toutes mes demandes. J’adore toujours ce que font des mecs comme I-Cube et tout, mais plus au point de courir pour savoir ce qui se passe. C’est le silence que je cultive aujourd’hui, et c’est un gros élément de bonheur dans ma vie.

Et sinon dans la musique en général ?
Like I said, plus beaucoup. Je sais que c’est un cliché ridicule mais reviens à mes amours de kid, Lou Reed, T-Rex, le country, j’adorerais connaître mieux la musique du Sud des USA, tout ce qui est cajun / black comme dans la BO de « O Brother ». Je déteste toujours la musique classique, pouah ! Et je me bloque la tête de manière à ne JAMAIS écouter la radio ou ce qui se passe en France, donc je parviens à vivre sans être pollué par la scène française, qui est la pire, vraiment.

Tu es le fondateur d’Act Up-Paris. Tu en es parti. A ce jour, comment se matérialise ton engagement contre le sida et pour la prévention ?
Je suis la grande gueule qui dit ce que les autres n’ont pas le courage de dire. Je suis toujours très fasciné par la prévention, j’analyse sur Minorités.org pas mal de ces sujets car je suis extrêmement fidèle, une fois que je m’engage dans un sujet, je le porte pendant des années, je ne fais pas le mec qui change d’avis, je suis très fidèle en musique comme en politique. Je méprise tout l’establishment sida, qui ne fait pas grand chose à mon avis, et l’épidémie poursuit sa progression chez les gays. Donc ça nourrit aussi ma colère, car je pense que les gays sont principalement responsables de cette progression, ce n’est plus du tout une question de lacune de l’Etat.

Si tu nous parlais de ta relation à la nature ?
Ah. It’s the best. Il faudrait que j’écrive davantage sur ça, car je vois bien qu’on est pas nombreux. C’est très délicat, c’est un sujet facile à aborder, mais il ne fait pas étaler sa science et comme pour la musique, s’adresser à un public qui, au départ, ne sait pas voir la différence entre un noyer et un charme. Donc il faut utiliser beaucoup de métaphores, comme dans la description de la musique, et réinventer une connection avec la nature car, voyons les choses en face, cette connaissance disparaît de plus en plus alors qu’en France, on vient tous de la campagne, même si les 20-30 ans sont nés en tissu péri-urbain. Ce sont des racines, comme les roots de la musique, un endroit qui fait du bien, comme la musique, et il y a beaucoup de trucs à dire.

Un livre, une actu à venir ?
Deux en fait. J’ai un premier livre qui va sortir au Seuil sur pourquoi les gays sont en train de virer à droite et un autre, à la fin de l’année, sur les 30 ans du sida, écrit avec un ami professeur et chef de service, Gilles Pialoux.

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