About Me Livres Cheikh, journal de campagne "Cheikh" par Sylvain Rouzières

Lestrade ? Finalement…

Les livres de notre collaborateur Didier Lestrade sont à l’image des
petits cailloux qu’il jette négligemment sur son terrain en Normandie dans
le but avoué de mieux les retrouver lavés par la pluie : un peu mal polis
au premier abord. Il faut donc attendre patiemment quelques averses et
quelques lectures pour les débarrasser de leurs imperfections et mieux
cerner l’essence de leur beauté. Retiré dans sa « maison du bout du monde
 », Lestrade nous raconte dans « Cheick » sa découverte du philosophe
homosexuel américain Thoreau, inventeur du concept de la désobéissance
civile et de la décroissance, dont ce sont inspirés Ghandi, Martin Luther
King et plus récemment José Bové. A travers une écriture impressionniste
poussée à l’extrême, Lestrade invente le livre à développement durable
dans une sorte d’écologie de l’homosexualité contemporaine. Il y recycle
pèle mêle : les confidences de ses amis, la spiritualité, la politique, la
séropositivité, la sexualité et la société de consommation - le tout
intercalé entre les différentes phases végétales de construction/
déconstruction de son incroyable jardin.

Car pour Didier Lestrade tous ces éléments sont liés, comme la terre est
liée à l’arbre, qui est lié à la feuille qui est lié au vent, qui est lié
au ciel qui est lié aux nuages qui sont liés à la pluie qui tombe sur le
toit de sa maison avant de retourner vers sa terre en passant par les
fameux cailloux bien sûr. Il y a du Thoreau chez lui mais aussi du
Scarlett O’Hara dans l’excès de ses colères, dans son côté midinette et
l’attachement viscéral à ce paysage qu’il nous décrit avec amour parce
qu’il le relie à ses racines. Nos racines ? On entre dans les livres de
Didier Lestrade comme on va dîner chez lui, épuisé par l’homosexualité
urbaine, pour mieux en ressortir lavé et recentré par la quiétude de son
« Tara » comme Thoreau son « Walden »

Alors peu importe les thèses alambiquées et parfois impolitiquement
correctes du livre, peu importe s’il ne structurent pas toujours assez ses
intuitions souvent justes sur les homosexuels d’aujourd’hui, peu importe
également son pessimisme tenace. Laissez filtrer en vous les mots de
Didier Lestrade comme une pluie normande. Après avoir posé le livre et
quelques couchers de soleil, vous allez ressentir un sentiment étrange.
Vous comprendrez alors que ses mots ont semé une graine dans votre cœur et
qu’elle a poussé à votre insu. La graine d’un arbre de vie dont les
branches vous soutiendront durablement en vous permettant de résister et
de désobéir aux sirènes d’une homosexualité dénaturée, menacée dans son
essence par la consommation à outrance et un réchauffement sexuel trop
souvent délétère.

Qui a dit que Didier Lestrade était si méchant ? Finalement…