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Le mystère

Il y a dix ans, un ami m’avait parlé d’un sondage qui demandait régulièrement aux Américains s’ils croyaient que la fin du monde arriverait lors de leur vivant. Une légère majorité d’Américains disaient oui, la fin du monde arriverait et ils en seraient les témoins. À l’époque, ça m’avait fait rire. L’intérêt de ce sondage, c’est qu’il ne s’adresse pas uniquement aux illuminés pentecôtistes ou aux dingues du Tea Party. C’est tout le monde. Il y a tellement de choses graves qui sont survenues depuis dix ans (la décennie de la terreur) que l’on peut réellement se demander comment le monde parviendra à tenir quelques décennies de plus.

Donc, voilà, le premier constat, c’est que je ne sais pas ce qui va se passer dans la décennie à venir. Avant, j’avais réponse à tout et le plus drôle, c’est qu’une grande partie des choses que je prévoyais s’est réalisée. Je ne suis pas un voyant, mais je prédis quand même. Au niveau gay, au niveau sida, au niveau de la musique, je suis visionnaire, je le sais. Mais là, même sur ces sujets, je ne peux rien imaginer de crédible. C’est un mystère. C’est le syndrome Madonna. Elle est en fin de course, comme la planète, mais personne ne peut imaginer ce qu’elle va faire. Elle peut faire un album de reprises folk, elle peut faire du Las Vegas, elle peut continuer à devenir un monstre, nobody knows. Le monde est vieux, il a le même âge que moi et Madonna (class of 1958), mais personne ne sait que ce que c’te folle va faire.

Go AWOL.

Pourtant, j’ai aussi passé ma vie à attendre, proposer, imaginer des choses qui ne sont pas encore vraiment arrivées. J’ai passé 30 ans à dire qu’il fallait laisser pousser sa barbe, pas juste un truc bien taillé à la Yagg, mais un truc buissonnant à la Bonnie Prince Billy, j’ai attendu toute ma vie des pédés avec des dreads, des pédés skaters, des pédés surfers, et je n’en connais que quelques-uns. J’échangerais bien une tonne de pédés SM (bo-ring) contre un quintal de pédés rastas.

Cela fait maintenant des années que je chante (Walt Whitman way) l’idée du départ de la ville, de la disparition, de vivre à l’autre bout du monde, de quitter la France, de vivre dans la nature et le silence, de la décroissance, de gagner moins d’argent, juste pour survivre, d’être AWOL (away without leave), de se comporter d’une manière écologique, même dans la sexualité, de vivre par le folk, et je constate que c’est toujours la marge de la marge. Parmi mes amis, j’en ai juste une poignée qui est partie de Paris. Et parmi les gays que je connais, pas un seul qui soit vraiment parti vivre à l’autre bout du monde. Cela m’intrigue car je crois vraiment que si je n’étais pas séropo depuis 24 ans, c’est ce que j’aurais fait.

Je trouve fascinant de voir que la planète exprime des signes d’épuisement accéléré et que cela motive si peu de personnes à tout quitter pour assister à ces derniers moments de vraie nature. Ma solution aux problèmes politiques ? Disparaître. Écarter toute velléité d’accomplissement, de carrière, de célébrité. Pourquoi devenir journaliste quand on peut vivre entouré d’Africains ou d’Argentins dans un endroit paumé où l’on peut vraiment relever ses manches pour travailler ? Je ne comprends pas. Il y a un tel manque d’aventure. Je ne parle pas des travellers que je respecte, je parle de tout quitter. Être assez fort pour aller là où on a vraiment besoin d’une personne en plus. Le silence, ce n’est pas quelque chose que l’on apprécie quand on a mon âge car on a vécu, on a connu le bruit des clubs et de la ville. Non, le silence, c’est quelque chose dont on a physiquement besoin et aujourd’hui et ceux qui lisent ces lignes ne savent plus ce que c’est. Il faut PARTIR.

Le sida

Vous croyez que je vais laisser tomber ? Vous rigolez, j’espère. Pour l’instant, la contamination chez les gays se poursuit, et les gays sont les plus touchés par le sida dans les pays occidentaux. Arrêtez de croire ce qu’on vous dit sur le sida chez les hétéros en France depuis 25 ans, c’est du bullshit. Ceci est une épidémie gay en occident, point à la ligne. Pour l’instant, les réservoirs de virus, c’est Paris, Berlin, Londres et la Russie qui rattrape tout le monde. Toutes les folles s’achètent des appartements pas chers à Berlin, croyant avoir trouvé l’eldorado gay. Dans 5 ans, cet eldorado sera un super tanker de séropos et cette image va rejaillir sur toute la ville. Et les pédés étant toujours prêts à lâcher ce qu’ils ont adoré dès que ça tourne au rance, Berlin sera délaissé, comme Miami est désormais une destination délaissée, comme Cuba. Les gays vont jeter la banane de Berlin et de Madrid quand ils l’auront usée jusqu’à la corde, comme des vampires. Le traitement en tant que prévention va se généraliser, les gays vont utiliser de moins en moins la capote, ils préfèreront se bourrer d’antirétroviraux avant et après la baise pour faire ce qu’ils veulent. Et ne me dites pas que je généralise, que je dis « les pédés » en créant un autre stéréotype. Nous sommes déjà affectés, en tant que groupe, par les pionniers du bareback, par ceux qui ont repris le flambeau aujourd’hui et qui organisent des partouzes bareback,. Tout ceci nous rejaillit dessus en tant que minorité : le bareback est notre Ben Laden. Et vous ne faites rien pour jeter ce Ben Laden hors des murs du Berghain, donc bonne chance. Enjoy your moment.

Older stuff

Le seul sujet qui m’apporte un peu d’espérance sur la décennie à venir, c’est la vieillesse. J’ai 52 ans. J’avais tout un bouquin dans ma tête sur ce sujet et mon éditeur précédent a dit non, je trouve ça insensé. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les plus de 50 sont en train d’exprimer des demandes totalement novatrices : une transformation médicale (des prothèses qui permettent de mieux marcher, mieux entendre, mieux voir, mieux réfléchir), une envie de structures qui n’excluent pas les minorités (des maisons de retraite gay, ou pour les musulmans comme cela se fait déjà à Berlin pour les Turcs), des nouveaux endroits qui remplacent les cimeterres. Et puis, il y a tout ce travail à faire sur les archives. Bref, travailler sur l’unfinished business avant de disparaître, régler les choses avant de mourir quand on veut et comme on veut, être suivi médicalement sur Internet, bref une vieillesse high-tech. Si on réfléchit bien, j’ai fait partie de la révolution gay, la révolution sida, j’ai été pédé toute ma vie et cela me met forcément dans une avant-garde de la vieillesse. Et je crois que si, pour l’instant, rien n’est fait (ça fait des années qu’on parle des maisons de retraite LGBT et ça coûte la peau du cul ces idées-là), c’est parce que les gays et les lesbiennes sont comme des cigales, ils vont attendre le dernier moment pour s’y mettre ou faire pression pour que ça arrive. Mais ça arrivera. Car à l’idée de passer ses dernières années au milieu de vieux en phase terminale de déchéance, ça va les paniquer tellement qu’il faudra bien qu’ils se remuent le cul.

Orthodoxie de l’identité

Une autre chose est totalement sûre : la prochaine décennie va pousser à son paroxysme l’idée de la niche identitaire. Le monde va être peuplé de freaks, comme le prédisait Alvin Toffler, il y a 40 ans. Donc les personnes qui changent de sexe (ou pas), qui sont entièrement tatouées, percées, mutilées, auto-métarmophosées, ça va devenir très important. Donc, pour les gens comme moi qui ne sont pas intéressés par l’identité (savoir qui on est, pour moi, est très facile, c’est ce que l’on fait qui est important. Si tu passes 10 ans à déblatérer son ton identité sans rien foutre, ben t’es juste devenu un under-achiever de plus connasse), ces années à venir seront forcément liées au repli. C’est ce que j’appelle l’orthodoxie de l’identité. Je vais faire partie de ces gens qui n’ont pas envie de s’excuser sans arrêt pourquoi ils sont intéressés par la virilité, par le fait d’être un homme, tout simplement parce qu’il y en a d’autres qui trouvent ça « hétoro-flic » ou je sais pas quelle autre connerie de ce genre. En tant que gay, je n’ai pas à expliquer mes choix et me laisser envahir par ce nombrilisme de l’identité qui se résume souvent par le même délire égoïste : moi, moi et moi. Un jour, je suis chienne, le lendemain je suis queer, le surlendemain je suis juste dans ma cuisine. Who gives a fuck what you are doing, cunt ? Tu crois que tu es radicale ? Regardez le blog d’Eribon, c’est si boring que c’est devenu le modèle de ce qui cloche chez les gays.

Détruire

Aujourd’hui exactement, le 18 mai, on est au lendemain de la journée internationale contre l’homophobie qui est l’alpha et l’oméga de l’engagement gay, le truc qui fait plaisir à tout le monde, la tarte à la crème du consensus LGBT et je dis fuck you, bande de geigneuses. Les gays today, ce sont des folles qui se plaignent. Ce n’est pas ce que j’appelle se « mobiliser », ou « se défendre » ou même « agir ». J’en ai vraiment marre de ces pédés mous, qui ne sont pas capables de descendre dans la rue pour autre chose que du kiss-in. Tout le monde se satisfait du nouveau cliché, le « militantisme digital », ça se passe sur FB tu comprends. Je vois des amis créer des groupes de désobéissance civile au Pays Basque et je ne vois rien chez les pédés. Ils sont là à collaborer à une illusion de l’action qui n’est juste une occasion pour passer son temps à baiser. Fondamentalement, les gays se sont laissés endormir par tout un réseau de pédés et de lesbiennes influents qui n’attendent qu’une chose : que le PS revienne au pouvoir et leur offre des carrières qu’ils n’ont pas été foutus de créer eux-mêmes. La gauche va aspirer vers le haut tous ces connards qui travaillent pour la mairie de Paris, pour des associations notoirement lâches, pour des médias sur lesquels il faudrait cracher dessus dès qu’ils ouvrent leur gueule et je ne vois aucune idée de révolte chez les gays. Toutes les folles qui parlent aujourd’hui sont sorties de Normale Sup. Je suis effaré de voir qu’il n’y a pas un gay plus radical que moi. Je regarde autour de moi et il n’y a personne.
Ce qui m’intéresse donc, à partir de ce moment, ce sont les beurs et les blacks, comment ils vont exprimer leur colère et leur hargne, pourquoi nous devrions nous inspirer d‘eux au lieu de les mépriser en nous comportant encore et toujours comme des pédés racistes. C’est pourquoi je travaille à Minorités.org car les gays ne sont plus à l’avant-garde, ce sont des putains de suiveurs qui sont effrayés par les banlieues alors que les banlieues possèdent tout. On devrait être une bande de mecs comme Genet il y a 50 ans, prendre fait et cause pour la Palestine, se mettre clairement du côté des Arabes, participer à ce conflit qui doit péter, maintenant, tout de suite. Et à la place, on est ce groupe de moutons qui suit un maire débile à Paris, avec toutes les compromissions que ça veut dire face aux riches qui tirent les ficelles des médias gays et de l’engagement sida. Tu me donnes le choix entre Tarik Ramadan et Caroline Fourest et je prends Tarik tout de suite, sans hésitation car il y a de la vraie politique derrière, pas cette compromission de lèche-botte pour faire son trou à France Culture et au Monde. Je dis depuis des années qu’il faut détruire ce que l’on a créé, car les fondations étaient bonnes, mais les rapaces sont arrivés sur notre travail et ils ont construit des murs branlants. Et ces murs créés par les riches sont conçus pour nous tomber sur la gueule et nous ensevelir et personne ne le voit.

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