Pas la peine de faire semblant. Hervé et moi, on se connaît. Je fais partie des premiers amis – et maris – qui ont vu son travail prendre forme au début des années 80, en même temps que son caractère s’affirmait. Les créations d’Hervé (dessins, collages, coloriages, carnets, scans, photos, bouts de papier ramassés aux 4 coins du monde, etc.) ne sont que le prolongement d’une manière de vivre à part, indépendante. Hervé Gauchet vit au carrefour d’une foule de personnalités et de freaks cosmopolites. C’est incroyable le nombre de personnes qu’il connaît. Il est à l’aise partout. Ses conversations au téléphone sont souvent si drôles qu’on ne peut pas en placer une. Les histoires de sa vie pénètrent ses dessins et ses coups de crayon influencent directement son comportement et sa philosophie. Il est amusant malgré la souffrance physique des dix dernières années. Il est un exemple parce que son monde pictural naïf et rugueux à la fois représente une des meilleures illustrations de la Fuck You attitude intelligente. Ses dessins sont le reflet d’une injustice qui ne parvient pas à le détruire. Il a un sens inné de la couleur, de la spontanéité et du confort de l’image que l’on retrouve en un coup d’oeil dans l’agencement de son appartement. La rue de Clichy a pesé dans sa vie et son travail, pour le meilleur et pour le pire. À une certaine époque, son immeuble aurait pu être la base d’un script déjanté, cool et jet set qui aurait sûrement produit un des meilleurs films français (il est toujours temps de le faire d’ailleurs). C’est entouré de ses amis qu’Hervé s’est forgé cette distance avec le conflit, cette fidélité envers l’amour sincère. Résultat : tout ce qu’il touche, une paire de ciseaux, un vieux crayon à deux couleurs, même quand il s’endort, prend une drôle de tournure. Il est le unsung hero d’une époque qui mériterait des rétrospectives plus fines, mais il est aussi l’ami qui persiste à dessiner ce qui nous entoure aujourd’hui. Il peint à la place de nos mains. On l’aime pour ça.