Politique / Sida Dans Character, issue 5

Eric Lanuit, le rédacteur en chef de Character, m’a demandé d’illustrer un portfolio de photos sur l’association FLAG qui milite contre l’homophobie dans la police. C’est un plaisir.

Je me rappelle très bien quand on a vraiment commencé à entendre parler des associations américaines LGBT de policiers ou pompiers. C’était au milieu des années 90 et tout d’un coup la réputation de ces associations a traversé l’océan. Les gays et les lesbiennes tremblaient d’envie à l’idée de ces grandes conventions rassemblant 1000 à 2000 hommes et femmes de police, avec leur uniforme et tout le tralala. On savait que ces rassemblements devenaient une sorte de rendez-vous annuel avec des fédérations qui venaient de tous les Etats d’Amérique. Qu’on soit une fille ou un garçon ou tout ce que vous voulez in between, pour ceux et celles qui sont sensibles à un uniforme, c’était Alice au pays de "Hill Street Blues". Il y avait le look, mais aussi une certaine idée de droiture parce qu’il s’agissait d’agents de police qui s’engageaient dans une visibilité courageuse, surtout au centre d’un univers éminemment homophobe et lesbophobe. Et même s’il y a des policiers pourris partout, cette démarche volontariste limitait statistiquement un certain nombre de brebis galleuses. Ces hommes et ces femmes étaient des héros car il fallait vraiment vouloir assumer un tel geste à l’époque. Après tout, faire son coming-out aujourd’hui à la SNCF, c’est délicat, mais pas très compliqué. Il y a du personnel de toutes les couleurs et de toutes les identités à la SNCF. Mais à la police, et surtout en France, il suffit de regarder, il y a encore beaucoup de chemin à faire.

Après est arrivé le débat lancé par la politique "Dont Ask, Don’t Tell" de l’armée américaine. De nombreuses personnes LGBT se sont demandées pourquoi les gays et les lesbiennes avaient tellement envie de s’engager à l’armée pour aller à la guerre. Mais ce débat a finalement abouti à une conclusion logique : l’égalité doit être la même pour tous et toutes, que ce soit à l’armée ou ailleurs. Cette discussion a été moins vive dans la police, sûrement parce que le bénéfice attendu suite au coming-out de gays et des lesbiennes semblait plus concret, plus proche.

Ce qui se passe avec des associations comme FLAG, c’est que ces militants sont vraiment aux avant-postes du courage. On ne fait pas son coming-out dans un commissariat ou dans un bureau de police comme ça, c’est extrêmement périlleux. Il faut donc beaucoup de caractère et de franchise pour s’affirmer tel que l’on est dans un environnement pas très gay-friendly. Et souvent, cela se passe bien car les policiers sont aussi comme tout le monde, ils sont capables d’apprécier un homme ou une femme sur la base de son travail. Comme chez les minorités ethniques, ces volontaires doivent assumer un double engagement : dans leur métier et dans l’explication de ce qu’ils sont. Il faut exceller dans tout, et avec du calme en plus. C’est ce que l’on voit dans certaines séries télé, comme "The Wire", où le personnage de Kima, la lesbienne afro-américaine, est totalement admise en tant que telle par ses co-équipiers.

Pour moi, on peut très bien ne pas aimer la police (FUCK THE POLICE, comme ils disent) et respecter ce que font les militants du FLAG et les autres associations étrangères du même type. En Angleterre, ce mouvement a déjà permis d’intégrer des forces LGBT dans la police, de manière à faciliter la compréhension entre le public et les "forces de l’ordre". Cela peut donner des situations cocasses mais c’est surtout dans le drame et la violence que cette aide est remarquable car il est plus facile de faire appel à la police quand cette dernière ne vous regarde pas comme un freak. Et on voit que ce travail porte vite ses fruits. C’est l’exemple précis où la discrimination positive s’avère efficace, tout de suite. La société avance dans son combat contre l’homophobie et la police n’est pas à part, et il faut remercier ceux et celles qui défendent notre cause dans un monde tellement éloigné de la communauté LGBT.

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FLAG

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