Politique / Sida Le Journal du Sida Janvier 2008

Momentum

Le sida n’a pas été un sujet de campagne présidentielle. Il n’a pas été un sujet lors des législatives. Parce qu’il y a eu les émeutes importantes de Villiers-Le-Bel, il n’a même pas été un sujet dans la couverture médiatique du 1er décembre dernier. Et le sida ne sera pas un sujet lors des élections municipales. Le temps passe et les enjeux politiques français sont si pressants que nous ne parvenons plus à politiser ce qui était si facile il n’y a pas si longtemps. Bien sûr, les problèmes ne sont plus les mêmes et l’urgence est un mot du passé. Ce n’est pas parce que deux militants persistent à penser que Vanneste représente le danger N°1 que les vrais sujets sont abordés et le gouvernement a beau jeu de jeter en pâture des controverses comme les tests ADN ou l’homophobie d’un élu du Nord que personne ne connaîtrait si les associations ne persistaient pas à lui offrir le meilleur service relation presse – et gratuitement en plus. Jeter des os à ronger, c’est de la politique intelligente. Le système de la diversion est si bien connu qu’on se demande pourquoi il fonctionne encore.

Pendant ce temps, toutes les forces vives du pays (comme on dit) se précipitent sur Facebook pour officialiser leur amitié avec Bertrand Delanoë et Christophe Girard. Il s‘agit d’une forme de soutien indéfectible, sur l’idée absolutiste du : « Ah, parce que tu crois que Panafieu ferait mieux, toi ? » Après toutes ces années d’épidémie, Paris est toujours la capitale européenne du sida et la région qui l’entoure concentre plus de la moitié des nouvelles infections. Que fait le maire ? Franchement : que fait le maire ? Il se bat contre le sida comme il se bat contre la crise du logement. Transport, infrastructures, architecture, culture, intégration des minorités, diversité, le maire de Paris n’a qu’un mot : Dalida. Ou alors : « C’est pas ma faute, c’est l’Etat ». Six années ont passé pendant lesquelles notre bienveillance a été totale. Le maire homosexuel est devenu le pape des crèches. Son règne a été celui de l’avènement du bareback et, en bon gay qu’il est, il n’a rien dit. La communauté s’est déchirée sur le sida comme elle s’est déchirée sur le centre gay et lesbien ou sur les archives homosexuelles. Tant mieux, il s’est montré digne en restant au-dessus des conflits. Un mot de sa part aurait servi d’arbitrage. Un geste aurait permis des dépistages rapides. Une note aurait encouragé la création d’un centre de soins communautaire. Au lieu d’héberger pendant deux jours une conférence qui prônait la mansuétude envers l’abandon du préservatif, il s’est contenté de campagnes de rue sur la capte que personne ne voyait. Il aurait pu fédérer un tissu associatif plus que jamais déchiré pour obtenir des maigres subventions. Le Marais serait devenu un sujet de recherches en sexualités et sciences sociales. En collaboration avec la région, la Mairie de Paris aurait apporté la prévention dans les banlieues, là où elle se développe désormais. Les marchands de sommeil ne verraient plus leurs hôtels brûler car il n’y aurait plus de marchants de sommeil. Il y aurait moins de clodos dans la ville la plus riche de France. On aurait l’impression qu’un maire homosexuel séronégatif sert vraiment à quelque chose, que cela aurait pu susciter une espérance, de l’effort, un momentum. Au bout de six ans, il y a deux catégories de parisiens de gauche : ceux qui ferment leur gueule parce qu’ils en ont marre d’être traités de sarkozistes quand ils l’ouvrent. Et ceux qui vont sur Facebook parce qu’ils croient naïvement qu’ils en tireront quelques miettes. La manœuvre est simple : garder le pouvoir en adoptant le profil le plus bas possible. Ce qui n’a jamais été un gage d’efficacité dans le sida. Et dans le reste d’ailleurs.