Politique / Sida Le Journal du Sida Juin 2008
Survivalisme
Deux jours de séminaire à Bayonne avec des militants non-violents qui me montrent des photos de leurs actions. Quand la police arrive pour les interpeller, ils se recouvrent de peinture devant les caméras. Résultat : les policiers n’osent pas les embarquer, de peur de se salir. Une bonne idée activiste que certains devraient copier. Pendant deux jours de débats fantastiques, qui se prolongent pendant les repas ou, plus tard, sur la plage, les passerelles sont nombreuses entre combats identitaires, communautaires, culturels et médicaux. Plus facile de discuter politique et société avec des basques radicaux qu’avec les Panthères Roses… À l’heure du départ, tout le monde s’embrasse et se félicite. Ces 48 heures ont servi de base à une communication émotive, de celles qui entraînent des projets concrets qui aident vraiment les gens sur le terrain. Dans le train, je passe huit heures à regarder les paysages qui relient le pays Basque et la Normandie. Quand le train ralentit, je peux reconnaître les graminées ferroviaires, toute cette nature qui profite de n’importe quel espace libre laissé par l’homme pour se développer.
À mon retour, deux articles du New York Times m’attendent dans la boîte à lettres. Le premier parle les « jardiniers guérilla » qui prennent illégalement possession des terrains vagues urbains pour les transformer en potagers ou en champs de fleurs sauvages. À la base, c’est une chance de jardiner pour ceux qui ne possèdent pas de terre, mais c’est surtout une envie d’améliorer ce qui nous entoure, ou de se nourrir en faisant pousser des légumes ou des fruits parce que manger devient une urgence. Dans les blogs comme guerillagardening.org, on découvre que des architectes américains sont en train d’encourager les Américains à transformer leurs pelouses immaculées et garde mangers. C’est la crise et cela porte un nom, le Nouveau Survivalisme. Vraiment, les six premiers mois de 2008 nous aurons bien fait comprendre qu’un effondrement social généralisé était possible. Certaines personnes, à travers le monde, se demandent si les gouvernements seraient en mesure de nous défendre si une crise environnementale importante survenait. On parle d’apocalypse du pétrole.
Où est donc la chute de cette chronique ?. Ou veut-il en venir ? Simple : les jardiniers guérilla disent qu’il suffit de se prendre la main pour changer un terrain couvert de détritus en « catalyseur de conversation communautaire ». Dans une situation de crise, les individus trouvent toujours des occasions pour se rassembler. Il est toujours possible d’agir plus rapidement que l’Etat. Par exemple, des associations de lutte contre le sida, à San Francisco, New York ou Londres, utilisent déjà les téléphones portables pour répondre aux peurs liées au sida, des IST ou des grossesses non désirées. 80% de la population mondiale vit désormais à proximité d’un réseau de téléphone portable. Et nous avons toujours un train de retard pour incorporer ces nouveaux outils à notre travail contre les maladies ? C’est peut-être parce que les décideurs de notre communauté sont trop vieux et qu’ils ne voient pas les possibilités pourtant concrètes, et applicables tout de suite, de ces graines technologiques qui pourraient germer partout où les personnes séropositives ont besoin d’aide. Si c’est la crise, et si ces décideurs sont trop vieux, il faut les changer.