Politique / Sida Le Journal du Sida Mai 2007

Renouvellement

Peut-on revenir sur ce très bon dossier du Journal du Sida d’il y a deux mois ? Mieux : a-t-on légalement le droit d’émettre un avis, une appréciation, un commentaire ? De quoi s’agit-il ? Avec beaucoup de diplomatie et, faut-il le croire, une précaution de Sioux, ce dossier nous apprend que les associations de lutte contre le sida perdent progressivement leur capital de confiance. En tant que séropo et activiste, j’ai toujours entendu dire que les études confirmaient la confiance du public envers les structures associatives. Dans les enquêtes Presse Gaie, ce soutien était traditionnellement plus grand que celui accordé aux médias gays et aux médias généralistes. Quinze ans plus tard, l’érosion de l’image associative est telle qu’on ne peut plus seulement l’attribuer à la désaffection de l’engagement des usagers, leitmotiv des plaintes militantes. Après tout, grâce à Aides, il n’y a jamais eu autant de jeunes parlant du sida devant les magasins type Fnac. Je ne sais pas si c’est un bon moyen pour susciter des vocations et, pourquoi pas, des donations, mais c’est sans nul doute du marketing direct efficace. En discutant avec autant de jeunes et de moins jeunes, le retour sur investissement en terme d’image devrait être mirobolant. Mais que se passe-t-il ? Toutes les associations de lutte contre le sida perdent leur prestige. Et quand on est dans l’humanitaire, perdre son prestige, c’est aussi perdre ses gains. Le sida n’est plus à la mode, soit. Mais n’est-ce pas la responsabilité des structures associatives de faire en sorte qu’un combat reste toujours d’actualité en trouvant les angles et les concepts qui le renouvellent au fur et à mesure que ce combat vieillit ?

Prenons la campagne « Voteriez-vous pour moi si j’étais séropositif ? ». Soupir. Franchement, pensez-vous que les présidentiables auraient une chance s’ils avaient un diabète ou un problème de surpoids ? Déjà qu’on se moque quand ils sont de petite taille ! Un bras en moins suite à un accident de la route ? Mieux encore, car plus politiquement correct : une peau noire ? Bien sûr que non, car notre pays est loin d’avoir la capacité de dépasser ce qui peut être vu comme une différence. Demander à des candidats à la présidentielle d’assumer, pour le temps d’une photo, le handicap de la séropositivité, c’est presque se poser la question : « Voteriez-vous pour moi si j’étais une victime ? » Ah, la victime. Est-ce là le seul fond de commerce de ce milieu associatif qui se sait désormais si peu aimé par les victimes auxquelles il s’adresse ? Ces victimes ne sont-elles pas reconnaissantes pour le travail harassant, effectué tous les jours devant les Fnac ? Ou pensent-elles que cet argent pourrait servir à d’autres fins ? Ces victimes sont-elles irritées par ces éternels pavés publicitaires dans les pages Emploi des quotidiens dont on ne connaît pas très bien la finalité ? Ne pourrait-on pas imaginer des messages de prévention novateurs à la place de ces encarts qui, après tout, ne renouvellent en rien l’angle et le concept du sida, maladie démodée ? Participe-t-il, comme on dit, à la banalisation du sida décidée au plus haut de la hiérarchie militante ?

Exactement comme une autre affiche, à l’opposé du spectre activiste, qui présente l’avenir comme si « nous n’y survivrions pas ». Ah, la victime (bis). Est-ce qu’entre ces deux extrêmes de la gnangnantise, un autre chemin est possible ? La société qu’il faut réformer, n’est-elle pas aussi celle qui doit réformer le milieu associatif sida puisque ce dernier est incapable de le faire ? Cette désaffection sans précédent n’est-elle pas la conséquence d’un blocage autour des mêmes poncifs et registres vieux de vingt ans ? Franchement, suis-je le seul à penser que ces institutions associatives, telles qu’elles sont devenues, sont désormais inadéquates sur de nombreux sujets ? Visiblement, non, puisque le dossier du JDS nous montre, avec précaution, que rien ne semble renverser le désintérêt progressif (et parfois la frustration) qui gagnent un mouvement sida qui a longtemps été présenté comme exemplaire, sans précédent dans l’histoire des maladies modernes. Ce dossier marque effectivement un tournant historique dans le déroulé de cette épidémie. L’idée n’est plus claire. Les rengaines perdurent. Pendant ce temps, les contaminations augmentent. Un chef d’Etat séropositif serait bien mal aidé, en effet.