Porno Cris et grognements du porno

Bon ça c’est un papier que j’ai voulu écrire depuis longtemps et ce n’est pas sur ce que les acteurs font quand ils jouent, mais ce qu’ils disent ou les bruits qu’ils font. C’est comme quand vous regardez le tennis et que Rafael Nadal fait un bruit guttural au moment de lancer sa balle.

Sur le sujet, j’ai plusieurs théories. En général, le bruit que produit les acteurs (je passe ici les filles, c’est tout un autre sujet et franchement, je ne sais pas si j’en ai la force aujourd’hui), c’est un bruit de respiration et de grognements, comme une emprunte digitale de ce qu’ils sont quand ils baisent. Il y a la classe française de Citéteur où les mecs performent autant qu’ils chatchent et des fois ils chatchent plus qu’ils performent, et il y a ces deux mecs à côté de la Benz qui se racontent leurs histoires de cailleras, c’est un classique. Citébeur a compris très tôt que ces conversation en argot, ça serait vendeur à l’étranger, puisqu’ils parlent comme les blacks et les latinos qu’on voit dans la série des « Brothaload » et c’est vraiment la voix du mec qui vous commande de jouir. Pour les étrangers, avoir ce regard sur les mecs prolos français, c’est une manière d’aimer Paris et c’est pas un film de Christophe Honoré ou de Woody Allen si vous voyez ce que je veux dire. N’oublions pas que cet exotisme a fait le succès de Cadinot à travers le monde.

Triga, comme Citébeur, a compris que les amateurs de lads et de chavs veulent les entendre parler, surtout lorsqu’ils ont un accent cockney de l’Est de Londres. Je sais très bien que certains pensent que c’est une machination érotique supplémentaire. Demander à des acteurs ou à des amateurs de parler parce qu’il y a une fascination sociale pas toujours dénudée de sous-entendus opportunistes, sur ce point « Homo Exoticus » est juste, mais mon idée est que je ne vois pas pourquoi on empêcherait à ces prolos de se taire, comme on leur demande de se taire habituellement dans la société. S’il y a un endroit où les prolos peuvent s’exprimer et où ils excellent, c’est précisément dans le porno, la preuve, c’est qu’il y a relativement peu de stars pornos architectes (bien que je pense que Dean Flynn et Spencer Quest de Titan sont A class bourges). Dans la vraie vie, les gens parlent pendant le sexe, et ceux qui sont les meilleurs sont souvent ceux qui ont de l’humour et qui savent mettre leur partenaire en confiance. La voix, ça sert à ça aussi.

Mais ce qui m’a fasciné et ce qui m’a fait réfléchir à tout ça depuis dix ans, c’est l’arrivée des films de l’Est à la fin des années 90. Non seulement les acteurs étaient bien et se connaissaient tous, on voyait bien que c’était la même bande, mais on ne les entendait jamais parler pendant l’action. Leur message de code, je vais essayer de le retranscrire, c’était « han han han » comme ça pendant tout le film. Tous les acteurs. Avec tous les films que ces mecs ont fait (ils ont envahi le monde puisque certains sont arrivés jusqu’à Titan et Falcon), personne ne leur a demandé de parler dans leur propre langue, au moins un peu, pour qu’on puisse identifier si c’est du tchèque, du lituanien ou même du Montenegro, ça serait sympa. Et puis toutes les langues sont belles dans le porno, c’est ça qui est génial. Chez eux, on dirait qu’ils étaient tous samplés avec la même onomatopée.

Il y a eu ça aussi avec le cinéma gay brésilien et surtout Alexander Pictures, où tous ces mecs superbeaux étaient…. muets. Moi je dis, entendre quelqu’un murmurer en brésilien, c’est déjà la moitié du foreplay qui est assurée. Ben non, les films passent et les mecs ne parlent pas. On finit par réagir d’une manière étrange : imaginer leurs voix. Au Brésil, il font aussi « han han han », ça doit être l’espéranto cheap du porno.

Dans les derniers Mustang, j’ai remarqué une nette obsession à dire « Fuck yeah yeah », mais pas 1 fois, plutôt 235 fois dans une scène. Et la suivante, c’est deux mecs qui disent « Fuck yeah yeah » et on se demande : « OK, le film est hot comme de la braise, mais ça serait de la Kryptonite si les acteurs disaient un truc comme « Je crois qu’il faut que tu remettes du lube darling » (non pas ça, je rigole) ou plutôt « Put your black fingers in here pronto » (ah ça c’est mieux).

Ce n’est pas que je tiens absolument à des films sans grognement et sans cris. D’abord, je me demande pourquoi c’est fait puisque beaucoup de personnes regardent du porno en cachette et qu’on met rarement le volume du son des films pornos au même niveau que lorsqu’on regarde « Tranformers 4 ». Mais c’est surtout parce qu’il y a beaucoup d’acteurs qui ne font pas tout un tralala vocal et ainsi parviennent à mieux se concentrer sur ce qu’ils font, ce qui est ce qu’on veut, nous. Les cris et les « han han han », c’est souvent du bruitage de fond qui permet de meubler une scène, ou lui donner du rythme, surtout dans le crescendo de l’orgasme. C’est pourquoi chez les machos de Titan, le silence est de règle ou alors il y a des dialogues et ils sont un peu mieux faits que partout ailleurs. Car les dialogues, dans un film porno, c’est une incohérence qui a trop longtemps duré. On les met toujours en avance rapide.

Mickael Lukas, par exemple, dans ses films "Auditions" ou sur Israël, est à ce point puant que pour accéder au cul, il faut se le farcir en train de questionner ses partenaires avant l’action, le truc le plus débandant possible. Shut the fuck up, on veut lui dire.

Je n’arrête pas de penser que le porno a été profondément marqué par la provenance internationale des acteurs. Avant, le porno gay, c’était la Californie et basta. Avec le porno amateur, c’est désormais à travers le monde. Mais ce qui a influencé les studios majeurs, ce sont les Italiens comme Francesco D’Macho et Alex Baressi, qui parlent rarement italien dans les films américains où, pourtant, ce sont des stars. On entend parfois Carlo Masi susurrer quelques mots d’italien quand il jouit, comme un souffle, mais la majeure parie du temps, ce n’est pas utilisé et quand on pense au potentiel érotique de l’italien, c’est à se tirer les poils du nez, c’est tellement incompréhensible. Pareil pour les Espagnols Victor Banda, et Manuel DeBoxer qu’on entend très rarement dire des gros mots dans sa langue. Seul Aitor Crash prononce parfois un peu d’espagnol. Les Allemands Tim Kruger et Thom Barron ou même Logan McCree, idem. Et les Français quoi ont joué dans les grands films de Titan ou Raging Stallion, comme François Sagat ou Fred Faurtin, pas un mot non plus. On n’a jamais entendu Huessein dire un truc en turc. C’est absurde, c’est comme si on jetait à la rivière les clefs de sa propre maison.

Il y a donc l’idée d’uniformiser la langue de la pornographie à l’américaine, d’ailleurs il serait impossible d’imaginer des films américains traduits en français, comme ça se fait encore beaucoup pour le marché hétéro hexagonal. Alors que toute l’idée de mélanger des acteurs internationaux est précisément pour faire remonter leurs origines. Ces acteurs ne deviennent pas seulement célèbres parce qu’ils sont beaux et qu’ils baisent bien, ce qui est déjà pas mal, ils sont promotionnés sous l’angle de leur nom d’acteur, qui révèle souvent d’où vient l’acteur en question. Bien sur, il y a des impératifs économiques qui dictent une langue commune pour mieux vendre les films, mais il n’empêche que les Espagnols pourraient marmonner « puta madre) » en jouissant, ça serait pas mal.

Après tout, on n’a pas envie de voir des films avec une cacophonie de langues étrangères et que ça piaille dans tous les coins et qu’on regarde du porno avec Google Translate. Mais juste quelques phrases de temps en temps, ça serait vraiment excitant. Quand on voit les films comme « Arabesque » où pas un mot d’arabe n’est prononcé, c’est idiot. Et pourtant, les USA vivent une séquence très arabisante actuellement dans le porno gay et sur Tumblr, on voit bien que la passion latine a un peu laissé la place à la passion arabe, avec les gays palestiniens de New York qui sont tous dragués comme des bêtes. D’ailleurs il suffit de voir la série des « Arabian Men » de D’Alexander Pictures où tous les latinos brésiliens sont habillés en bédouins pour faire arabe, ce qui est risible mais bon. C’est vrai que demander à des Brésiliens de parler arabe, c’est compliqué.

Il y a des grognements d’orgasmes qui sont reconnaissables entre tous et on pourrait faire un quizz lors d’une après-midi d’ennui sur une croisière gay, mais il y aurait beaucoup de monde qui reconnaîtrait le rugissement de Zack Spears qui est devenu sa marque, au point de l’exagérer désormais en fin de carrière. Vous pouvez le sampler sur un disque et c’est un hit underground assuré. Huessein geint avec un bruit guttural turc étouffé par sa prise de respiration. Alex Collack grogne, Rod Barry et Dredd Scott et Ricky Sinz engueulent tout le monde (ils sont vraiment foul mouth) et Nash Lawler jouit en disant « Motherfucker ! ». Jake Deckard couine. Bobby Blake parle tout le temps, connu pour ses injonctions « You want that pièce of meat, bitch ! » et « O.G. Johnson dit « suck it suck it suck kit », Diesel Washington menace et bien sûr il y a tous les films de Flava et les solos de Meatpackers où les blacks et les latinos parlent business (il faut entendre Rugh Ryder dans « Freshman Year – Issues 3 & 4 de Flava). Le plus beau parleur du porno étant pour moi Zack dans « Zack Attack » de Manhandle Media qui est, dans le genre amateur, le meilleur exemple de l’acteur / policier dans la vraie vie ça s’invente pas, qui est un américain italien de banlieue, avec un accent génial et même une mouche au-dessus de la bouche pour faire encore plus De Niro et qui est le mec le plus drôle et attachant de ces dix dernières années. You WANNA meet this guy !

Tant qu’au silence, les films de JNRC ont poussé ça au niveau de l’art conceptuel, avec tous ces solos où les mecs ne parlent pas mais grognent un truc indescriptible en jouissant. Dans ses films tournés à l’Est, on les voit parler leur langue et ils parlent aussi dans la baise, soit pour rigoler, soit pour s’engueuler. Mais de nombreux grands acteurs ne disent rien. Chad Douglas en est un exemple classique, avec sa bite si unique, qui se concentre dans le mouvement de balancier de son corps. Arpad Miklos, Tristan Jaxx, Collin O’Neal, Tom Vaccaro, Robert Collins, Matt Hugues, pas un bruit. Chez Bel Ami, ça parle tout le temps en anglais, les mecs sont à 150% décomplexés, ils sont tout simplement équilibrés, c’est la Lituanie, un pays où la pression de la religion n’existe pas. Dans le SM, ça parle ou ça parle pas, c’est plein de règles, passons.

Mais le constat est là : même les grandes stars américaines sont réduites à une expression vocale dans le sexe qui se réduit à trois mots « han han han » et je vous jure qu’un jour je vais prendre un minuteur et compter le nombre de fois ils le disent par film (sans les bonus). Et je publierai des charts de geek avec les films où on le dit le plus, pour rigoler. Ou alors on fera un groupe FB de geeks gays qui s’amuseront à répertorie le nombre de fois où Trevor Knight dit « Damn this shit is tight » dans sa filmographie entière (sans les bonus).

Le seul à avoir vraiment fait attention à ces histoires de « bruits pendant la baise – ou pas ? » c’est encore Joe Cage qui, non content de créer des situations sexuelles compliquées et tordues, développe des dialogues qui ne sont pas les pires comme je disais et le reste du fond sonore se calme quand l’action décolle. Le silence est alors appuyé du regard et ce silence a un potentiel érotique énorme pendant l’orgasme, même si les gens qui crient aussi c’est bien.

Je pense qu’il y a deux écoles de pensée, une où les acteurs font le plus de bruit possible en surjouant et l’autre où on se dit que l’action se suffit à elle-même. Moi de toute manière, les gens qui font tout un boucan pendant qu’ils baisent, je comprends pas. Il y a des mecs qui font ça bien, mais la majeure partie du temps, ça donne ce que j’avais parfois Rue du marché St Honoré dans la cour, il y avait un apparte avec deux gays qui faisaient tellement de bruit que c’était à la fois comique et irritant. Avec la fenêtre ouverte en été. Ou alors le couple de lesbiennes en bas qui faisaient tellement de bruit aussi, l’immeuble entier le savait (« Tiens, il est 23h30, c’est les lesbiennes »). Entre le silence et crier à tue tête (comme on dit), il y a l’espace qui est l’endroit où il faut être.