Porno The Têtu interview that never was

Cinq mois après avoir reçu le livre, Têtu n’est toujours pas capable de balancer sur leur site l’article prévu pour la sortie de "I Love Porn". Ils ne répondent même pas aux mails que je leur envoie. Alors je publie ici l’interview demandée en octobre dernier.

-  Que reproche-t-on au porno selon vous, et êtes-vous d’accord avec ces reproches ? Sur quels aspects faut-il le défendre ?
Le porno fait peur à la société et c’est un des médias qui est sans cesse menacé par les institutions, les catholiques et la majorité des féministes. On l’a vu récemment avec les tentatives de censurer OnlyFans, et les hésitations des écologistes sur le travail du sexe. Tumblr, le seul média à se faire l’écho de la pornographie, est censuré depuis 2019. Pour moi, c’est un média qui vit de la liberté de s’exprimer, et il faut le défendre sur ce point. Il illustre l’avance des sexualités, donc c’est un genre qui favorise la visibilité. Rien que pour ça, il faut le soutenir et en parler sans complexe. Finalement, mes livres ont toujours été pessimistes car je suis un lanceur d’alerte, je me focalise souvent sur les dangers qui fragilisent la communauté. Avec cet essai, j’accompagne un message « sex positif » car, après quarante années de sida, nous voyons une sexualité qui sort de la peur.

-  Au début de votre livre, vous écrivez : “Le porno a sauvé ma vie. Pendant toutes ces années de terreur et de solitude causées par le sida, le porno m’a permis d’avoir accès à une sexualité par procuration ; ce qui est le plus important service que ce média offre [...]” Diriez-vous que le porno peut encore aujourd’hui sauver des vies aujourd’hui, alors qu’une autre épidémie, le Covid, s’est abattue sur le monde ? Qu’entendez-vous par sexualité par procuration et pour quelles raisons diriez-vous qu’elle est indispensable ?
Cette sexualité par procuration est indispensable car on ne parle jamais assez de la solitude dans notre société. Que deviendraient les personnes seules sans cette possibilité de garder un contact avec l’érotisme ? Le Covid a accentué cette solitude et a frappé les personnes fragiles, et je ne parle même pas des personnes plus âgées, comme moi. Mais c’est surtout un domaine où il y a beaucoup de création, de contenu, il ne faut pas se limiter à ce que l’on voit sur les tubes, c’est un monde riche d’expression et qui s’ouvre de plus en plus aux minorités, que ce soit les personnes racisées, les lesbiennes, et les mélanges des genres.

-  Vous expliquez que le porno est un objet, une œuvre culturelle comme les autres, est-ce que vous pouvez préciser pour quelles raisons ? Diriez-vous que c’est encore un sujet tabou dans la communauté LGBT ?
C’est un sujet qui n’est pas beaucoup discuté entre nous, en tout cas. On peut facilement parler avec son entourage de sa vie sexuelle, des rencontres, des pratiques sexuelles, mais parler de la masturbation et du porno, c’est vraiment rare. C’est pour ça que je voulais faire ce livre, qui est un document historique sur les 50 dernières années à travers le prisme du porno, et sur ce plaisir solitaire, à la première personne, sans fatras littéraire, en abordant des sujets que les sociologues commencent à peine à défricher. C’est une sexualité qui nous rassemble donc c’est un trait d’union culturel.

-  Vous écrivez : “Le X est le prolongement du militantisme et montre par le sexe ce que les activistes demandent avec des pancartes. Les slogans exigent le droit de s’aimer et de baiser comme on veut ; le porno le met en images” et à un autre moment : “J’ai tout de suite compris que le porno participerait à l’évolution des droits des homosexuels exactement comme le reste de la culture gay”. Pouvez-vous me donner des exemples de lien que vous avez à l’esprit entre porno gay, militantisme, et évolution des droits des homosexuels ?
Je suis fasciné de voir aujourd’hui les leaders du porno comme des leaders culturels. Ils ont un following et des fans qui dépassent de loin celui des leaders LGBT. Ils traduisent dans leur sexualité ce que nous demandons depuis toujours : une meilleure visibilité, une manière de s’exprimer à travers le sexe et ils abordent souvent, sous un autre angle, les demandes politiques. Si les jeunes peuvent devenir indépendants et célèbres grâce à cette sexualité, c’est qu’on leur a préparé le terrain. Ils banalisent les questions sur la visibilité, et le porno est un des rares domaines qui leur permet d’affronter la crise actuelle du travail et de la représentation politique.

-  Vous trouvez un esprit contestataire au porno, pouvez-vous m’expliquer sur quels aspects ?
Même dans le porno gay majoritaire, il y a une recherche de l’interdit. Le fantasme permet d’imaginer une société plus ouverte, où l’homophobie n’existe pas, où on peut baiser et s’aimer. On voit actuellement une percée notable des personnes transgenres et les transboys ont énormément de succès. C’est la preuve de la montée en puissance de personnes qui étaient encore récemment dans l’underground. Exactement comme à l’école ou au lycée, où les jeunes banalisent la question transgenre auprès de leurs camarades, des profs et des parents d’élèves, le porno permet de faire avancer la modernité de notre époque.

- Il m’a semblé que vous avez une préférence pour les films X des années 1980, également des années 2000 en comparaison à ceux tournés lors des dix dernières années et aux années 1990. Diriez-vous en quelque sorte que le porno c’était “mieux avant” ? Pour quelles raisons ?
Non pas vraiment, je suis attaché au porno des années 70 et 80 parce que c’est celui de ma jeunesse, et puis j’aime le look des hommes de cette époque, plus naturels, moins groomés. Mais le porno actuel est nettement plus efficace, car il ne faut pas oublier que c’est surtout un matériau masturbatoire. Et puis, il y a une telle profusion de studios en ce moment, même si les grands studios traditionnels sont en perte de vitesse, ce n’est pas grave car OnlyFans est en train de révolutionner tout le genre, du cadre aux angles de vue. Et puis avec le TasP et la PrEP, l’activité sexuelle et la chorégraphie du sexe ont été complètement mises à jour avec l’abandon de la capote. Les acteurs et actrices d’aujourd’hui sont des performers, comme les sportifs de haut niveau.

-  Quelles différences majeures voyez-vous entre le porno hétéro et le porno gay ?
Le porno hétéro est toujours trop violent envers les femmes, j’en parle beaucoup dans le livre car je suis, à la base, dégoûté par la violence. Je ne peux pas m’exciter devant du porno violent, point à la ligne. Donc ici les critiques du porno sont fondées, et je suis d’accord avec ce que disent beaucoup de femmes. Dans le porno gay, il y a bien sûr sans arrêt un processus de domination, mais ça se passe entre hommes, donc la violence n’est pas du même ordre. Mais il ne faut pas oublier que sur les millions de personnes qui se connectent tous les jours pour voir du porno, l’immense majorité, ce sont des hommes hétéros. Donc le porno gay reste marginal malgré tout, ce qui lui donne un espace de liberté. On peut noter, par exemple, que dans le porno bisexuel, les femmes sont souvent mieux traitées.

-  Dans quelle mesure le porno gay a-t-il influencé le porno hétéro ? Vous parlez de fist, de lavement ou de types de fellation. Pouvez vous m’en dire plus ?
J’ai beaucoup écrit, depuis dix ans, sur le porno pour des médias généralistes, donc hétéros. Il y a une curiosité des hétéros envers ce que font les gays dans le porno, sûrement parce qu’ils savent qu’on est souvent un peu en avance sur eux, et puis parce qu’il n’y a plus le dégoût qui existait avant. Les pratiques qui étaient réservées aux gays, comme le fist, ou la fellation profonde, sont de plus en plus courantes chez les hétéros. Dans le livre, j’explique que les hétéros se mettent à baiser comme les gays, c’est le résultat de la hook-up culture, le fait d’avoir des relations sexuelles brèves, sans engagement, où les femmes ont enfin la possibilité de décider où, quand et comment ça va se passer. Bref, les hétéros font des « plans » comme nous on le fait depuis des décennies.
J’ai beaucoup écrit, depuis dix ans, sur le porno dans des méfias gén hétéro

- J’aime ce passage où vous dites que “Le porno est politique, mais aussi poétique. Il est la réalisation de nos rêves.” Pouvez-vous m’en dire plus ?
C’est sûrement un des points novateurs de ce livre, car la poésie est rarement associée à ce genre. En fait, je considère que le porno, c’est comme le cinéma ou la musique ou le sport. Ce sont des médias très populaires, qui rassemblent des personnes venues de toutes les parties de la société. Et qui illustrent nos rêves les plus profonds, et je ne parle pas uniquement des fantasmes. Le porno, c’est la vie telle qu’on la rêve, même quand c’est très direct, dans la transpiration de la performance. Beaucoup de choses sont poétiques dans le porno, comme le titre des scènes, la lumière, les décors ou l’absence de décors, les noms des acteurs, leurs voix ou leurs grognements, comment ils s’habillent, comment ils sourient.

-  Si je comprends bien, vous considérez que se masturber devant du porno est un moment de liberté, parce qu’elle c’est un plaisir intime, personnel, et solitaire ?
Bien sûr ! La masturbation, c’est faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime, qui sait s’occuper de vous. C’est un truc qu’on fait toute sa vie, même quand on est en couple ou amoureux, ça lui donne une dimension existentielle. C’est beaucoup de plaisir accumulé pendant des décennies ! On deviendrait fous si on n’avait pas cette possibilité de se libérer d’un trop plein d’énergie ou de spleen.

• Vous expliquez que le porno a une contribution quotidienne à votre équilibre. Dans quelle mesure ?
Avant, j’ai passé ma vie à chercher ce qui se passait dans la musique. C’est la base de ma carrière, de mon écriture. Aujourd’hui, le matin, je regarde ce qui est sorti pendant la nuit dans le porno. La production est tellement riche qu’elle me nourrit sexuellement et intellectuellement. Je trouve mon équilibre dans la découverte de nouveaux visages, de nouveaux corps, de nouvelles bites. J’ai toujours admiré la beauté de l’anatomie humaine, même dans ses aspects les plus mineurs. Dès qu’une personne a un look différent, je me sens heureux. Voir des freaks est une récompense car ça montre que le monde évolue.

• Vous parlez également de générosité humaine concernant le porno, sur quels aspects précisément ?
Aujourd’hui, on voit qu’une grande partie du discours LGBT, c’est l’identité. Mais je rappelle qu’on n’est pas seulement ce que l’on est, on est qui on baise. Vous avez beau avoir un discours identitaire très pointu, si vous regardez du porno qui n’est pas raccord avec vos idées politiques, il y a un problème. La générosité du porno est là, dans le fait qu’il y a forcément une niche sexuelle qui s’adapte à vous. On apprend la sexualité à travers le porno, c’est quand même fondamental. On apprend à faire l’amour, comme on apprend à juste baiser. Le porno est éducatif ! Et bien sûr, on aime le porno à travers ses performers. Ce sont des champions, non seulement dans leur persévérance, mais dans tous les petits détails de leur attitude, et ce sont souvent ces petits détails humains qui vous font craquer.

-  Quand vous écrivez “Pour moi le porno est l’ultime outil contre le racisme puisqu’il nous fait découvrir des hommes de toutes les origines et de tous les âges”. Vous considérez, si je comprends bien, qu’il apporte avant tout de la visibilité aux personnes racisées ? Comment dans ce cas bien distinguer cet avantage du risque de fétichisation raciale ou bien de renforcement des stéréotypes concernant ces personnes ?
C’est peut-être le seul sujet délicat du livre, mais tout au long de cet essai, je fais un manifeste contre le racisme. Pour moi, le porno m’a permis d’imaginer une société plus mixte, où le mot « interractial » ne serait pas péjoratif. Et au fil des années, on est passé d’une attraction exotique à une vraie visibilité de toutes les minorités racisées. Surtout dans le porno gay, qui a longtemps été presque uniquement blanc. Les asiatiques sont actuellement en train de devenir très visibles, dans un cadre toujours correct. Les acteurs Noirs jouent entre eux dans des studios dirigés par des Noirs, je dis que désormais nous sommes, en tant que Blancs, des observateurs de ce qu’ils font. Et les Latinos, il faut bien admettre qu’ils sont les meilleurs, chez les acteurs dominants ou dominés et ils ressemblent beaucoup aux acteurs maghrébins que nous a fait découvrir le studio CitéBeur. Bref, de groupe minoritaire il y a encore 20 ans, les personnes racisées sont devenues des leaders, il suffit de regarder le nombre de personnes qui les suivent sur Instagram ou Twitter. Comme dans la musique ou le sport, les personnes racisées utilisent le porno pour exprimer leur excellence, et pas uniquement dans le sexe. Il y a des revendications dans tout ce qu’ils font.

-  Dans quelle mesure le porno gay fonde-t-il l’imaginaire érotique gay selon vous ?
C’est comme le cinéma et la musique. Kiddy Smile, Lil Nas, tout le monde en parle, mais ce sont des artistes qui nous mènent plus loin. L’imaginaire érotique est sans limite, on vit dans une société de niches sexuelles. Pour moi, je suis attiré par les hommes barbus de toutes les couleurs, pour d’autres ce sont les bears avec de gros ventres, ou des personnes de petite taille, et bientôt ce sera des personnes handicapées qui sont rejetées par la société. Le porno a des possibilités d’intégration dont on a très peu conscience. C’est un discours souvent positif qui explore les possibilités sexuelles.
• - Modifie-t-il les attentes et influence-t-il les standards de beauté gay ?
Le porno tend à figer les standards de beauté, on l’a vu pendant les années 90 où tout le monde était épilé, bronzé, avec des slips Calvin Kein. Moi j’ai passé des décennies à attendre de voir des hommes poilus, par exemple. Et quand les gays aiment quelque chose, ils vont utiliser le filon jusqu’au dégoût. Mais aujourd’hui, il faudrait arrêter de se focaliser sur cet aspect uniforme pour voir la richesse des looks différents.
Le porno fige les looks et il peut être
-  Qu’entendez-vous par “Il aura fallu quarante ans pour que le X réussisse son rêve : libérer la société” ?
Je crois qu’en France surtout, nous sommes dans une société bloquée. Les pays voisins n’arrêtent pas d’avancer sur les réformes sociétales alors qu’ici, il a fallu attendre presque dix ans pour obtenir la PMA. C’est pas normal. C’est ce qui crée de l’inquiétude et des tensions, même à l’intérieur de la communauté LGBT. On n’arrête pas de s’engueuler. Le porno est un des rares domaines où, finalement, il y a peu de conflits. Bien sûr, c’est un monde fantasmé, mais je répète, avec OnlyFans, les acteurs créent un nouvel espace sexuel où ce sont eux qui décident des règles et de ce qu’ils font. C’est donc une vitrine sur une société plus ouverte, où les jeunes ont une place prépondérante.

-  Quelles critiques majeures adresseriez-vous malgré tout au porno ? Au porno gay plus spécifiquement ?
Le porno peut entraîner des dépendances, il faut l’admettre, et il accompagne la dissémination du chemsex qui, maintenant, touche de plus en plus la population générale et les hétéros. Je vois aussi qu’une majorité de films produits aujourd’hui, ce sont des twinkies, certains très jeunes, et je m’inquiète de leur libre-arbitre dans un domaine qui devient une industrie. Le porno, ça représente des milliards de dollars, donc forcément le poids de l’argent restera un risque constant. Et puis il ne faudrait pas que le porno se substitue à une sexualité réelle, comme ça se passe au Japon. Le truc qui me choque souvent, c’est que les acteurs ne se caressent pas. Même chez les très bons studios comme TimTales, tout est centré sur le sexe, il y a très peu de stimulation réciproque, alors que la versalité devrait encourager ces caresses mutuelles. Souvent, on se demande s’ils ont oublié qu’ils avaient des mains car ils ne s’en servent pas.

-  Quand vous expliquez que dans le porno, l’aspect commercial prend le pas sur la création, que voulez-vous dire ?
Les grands studios américains ont perdu leur influence car c’est trop formaté. Je parle beaucoup de la fabrication du porno dans ce livre, et la répétition des formats, des enchaînements, ou comment le fait de jouir est trop contrôlé. C’est pour ça que je préfère les petits studios car on y sent moins l’influence du format. Pour moi, un réalisateur comme Jean-Noël René Clair, qui a toujours fait du porno avec peu de moyens, a permis au porno de rejoindre un courant conceptuel de l’art warholien. Un jour il sera reconnu comme Tom of Finland l’est aujourd’hui.

• - Quel regard portez-vous sur l’industrie du porno et les acteurs qui s’y impliquent ?
C’est un aspect qui m’intéresse finalement assez peu. Par exemple, dans le livre, je parle peu des grands réalisateurs comme William Higgins, Steven Scarborough, Chi Chi LaRue, parce que je trouve qu’ils ont trop fait de films identiques. En revanche, je parle beaucoup de Treasure Island Media, même si je suis en désaccord avec leurs films bareback du début des années 2000, parce que c’est un studio qui a créé une vraie identité visuelle, dans les logos, la mise en page, la musique, etc. En ce qui concerne les acteurs, pour moi ce sont des héros et je m’attache particulièrement à ceux qui sont décédés. J’ai le même rapport avec eux que celui qui me touche dans la disparition des militants historiques dans le sida.

• Pouvez-vous me détailler les raisons pour lesquelles vous écrivez que “Le corps sur internet est devenu une devise financière qui peut attirer des milliers de followers” ?
C’est ce que je disais sur OnlyFans et sur le travail du sexe. Je soutiens évidemment le combat pour la reconnaissance de leurs droits. Notre société est en crise, mais on doit avoir le droit d’utiliser son corps comme la base d’un travail. Après tout, ce sont les normes bourgeoises et réactionnaires qui empêchent toujours cet accès au corps humain. Et avec internet, ce droit devient mondial. On n’est plus limité par la géographie.

-  Si je vous lis bien, vous expliquez que le porno participe à la création de “niches”, de catégories porno, qui reflètent une forme de consumérisme ? Diriez-vous que le porno segmente trop les goûts et contraint l’imagination ? Ou bien la développe-t-il plutôt ?
Les niches existent ou apparaissent et le porno les récupère tout de suite. On l’a vu avec le Covid, dès le début il y a eu du porno avec des masques de protection. Nous vivons dans un monde niches multiculturelles. Bien sûr, il y a toujours le risque la surconsommation. Or, au niveau écolo, je suis personnellement pour la décroissance et je me méfie des systèmes de dépendance commerciale. Mais justement, j’explique dans ce livre que la consommation du porno est comme n’importe quelle forme de plaisir. Manger deux tartines avec du Nutella, ce n’est pas la même chose qu’avaler le pot entier. Dans l’excès, j’ai un compas moral qui me permet d’avertir les gens et de leur dire « Là, vous exagérez ». C’est le privilège de la vieillesse, on voit vite les abus.

• L’usage des téléphones portables, surtout pour les selfies et les nudes, est-il un prolongement des pratiques porno selon vous ? Onlyfans et Tumblr par exemple, y participent-ils ?
Oui, le téléphone est en train de remplacer la caméra. Il y a de nouveaux angles, les acteurs regardent l’objectif alors que c’était interdit dans le porno traditionnel. C’est pourtant très excitant quand les acteurs s’adressent aux gens qui les regardent. Je crois que c’est une révolution, ce n’est plus le réalisateur qui décide de tout. Chez les gays, le sexting et les nudes existent depuis longtemps. Il y a une sorte d’éthique non exprimée selon laquelle ça reste entre nous. Mais chez les jeunes, c’est souvent la base du revenge porn, on ne peut pas le nier. Mon conseil, c’est : « Don’t do it ». Chez eux, ça vire très vite au cauchemar. En revanche, je ne pense pas que le revenge porn découle forcément porno. Et aussi, je suis persuadé que l’idée de vie privée va énormément évoluer dans les années qui viennent. Après tout, les gens passent leur journée devant leur portable. Comment cet objet pourrait garantir l’anonymat, surtout à partir du moment où les enfants de 9 ans ont en un ? C’est impossible.