Politique / Sida Le Journal du Sida Décembre 2011
Que le meilleur.
C’est un CDAG comme il y en a beaucoup en France, dans le centre ville mais dans une rue particulièrement glauque et il faut vraiment avoir envie d’y aller, quoi. Il est 17h passé et la nuit est tombée pour ce rendez-vous de rendu de résultat de test VIH et il fait soudain froid. Les rues sont désormais vides, sans boutiques, sans lumière. A l’intérieur, ce n’est pas si grave que ça comparé à sa description de la prise de sang la semaine précédente. Il y avait des jeunes en surnombre et puis tous ces posters de prévention dont certains l’avaient énervé car ils étaient trop neu-neu, trop bêtes. Mais moi, je ne vois rien d’anormal ici, cela ne me choque pas outre mesure car forcément nous sommes plus habitués à voir ce type de décoration d’intérieur quand on est déjà séropositif. C’est comme ça partout quand on est dans un espace VIH.
Cette fois, il n’y a personne dans la salle d’attente et le médecin du CDAG le reçoit tout de suite pendant que je regarde moi aussi les posters et les brochures de prévention, même le questionnaire anonyme qui évalue les croyances populaires sur les modes de transmission du VIH. C’est une grande ville, mais le dépistage rapide n’est pas encore arrivé ici. La lumière des néons au plafond est presque aveuglante. Cette pièce crie avec désespoir son besoin de source de lumière secondaire.
Pendant ce temps, je me répète sans arrêt que je suis convaincu qu’il est séronégatif et qu’il va sortir de ce bureau avec un sourire sur le visage. Mais. Mais il n’a pas fait son test depuis longtemps. Et puis si je me trompais ? Si j’étais encore un messager de mauvaises nouvelles, celui qui encourage les autres à faire leur test et qui attire le sida partout où il va ? Et pourquoi faire ça dès le début de notre relation ? Pourquoi faut-il toujours que j’affronte la montagne par la face Nord ? Comment pourra-t-il m’aimer si notre rencontre est marquée dès le premier jour par un test... positif ? Je dois être fou...
Mais il sort du bureau du docteur avec un grand sourire et une démarche pressée, presque fébrile, animale, comme s’il voulait dire "sortons d’ici !" mais je le prends dans mes bras dans la salle d’attente pendant une bonne minute, complètement rassuré, pour marquer le coup. Sur le chemin de la sortie, je souris au docteur qui dit "Et que je ne te voie plus ici !" comme une manière gentille et autoritaire de lui signifier "Vaya con dios". Dans la rue, je le fais sourire en blaguant quand il pousse à plusieurs reprises un grand soupir de tout son corps alors qu’il me répète qu’il était prêt à entendre toute mauvaise nouvelle, même la pire, il s’était préparé dans sa tête. Finalement, je ne suis pas le messager de la maladie ce soir, au contraire, je suis le messager de la séronégativité et c’est merveilleux, ce corps pur, pas abimé, sans hépatites, sans IST, rien. Vierge. Je lui dis que maintenant tout va bien, c’est merveilleux ce qui nous arrive et qu’il est temps de rentrer tout de suite à la maison pour quelques Mojitos bien mérités. Un petit vent glacial s’est levé pendant le rendez-vous au CDAG, le froid de la nuit s’est accentué, il regarde le ciel noir et dit "Quand c’est comme ça, c’est que la neige va arriver". Et je suis tellement amoureux et soulagé. A partir de maintenant, ce qui nous attend, c’est only the best.