Politique / Sida Le Journal du Sida Mars 2012
Mettre le feu
Je crois qu’il n’y a rien de meilleur pour trouver l’inspiration (car je fais partie de cette vieille école qui croit à l’inspiration) que lancer un grand feu de jardin. On me dit que je suis bon pour mettre le feu aux poudres et d’autres me reprochent de ne faire que ça, mais je sais aussi lancer un bon feu. Car c’est toute une allégorie de l’engagement. D’abord, je crois que pour être efficace dans la création, il faut savoir détruire. Avec le printemps, il y a tous ces détritus du jardin qu’il ne faut pas mettre au compost car ces branches de rosiers et les tailles de fruitiers doivent être consommées pour ne pas propager dans le jardin des maladies et des parasites qui ont résisté au grand froid de l’hiver. Il faut choisir un coin dégagé pour ne pas prendre de risques ridicules et il faut d’abord sentir le vent. Par jour de grand vent, le feu est dangereux, voire interdit car il peut se propager. Il faut choisir une journée comme aujourd’hui, quand le vent ne va pas diriger la fumée vers les voisins ou les personnes avec qui on a de bonnes relations. Ce n’est pas eux que vous visez, mais les autres.
Il faut toujours avoir le tuyau d’arrosage à proximité car si vous voulez mettre le feu aux poudres, l’idée n’est sûrement pas d’incendier votre propre maison. Quand le feu est lancé, il faut toujours le surveiller ou le regarder de loin. Vous avez lancé quelque chose, vous en êtes désormais le maître et ne laissez jamais une combustion servir aux autres, c’est vous qui y avez mis la première allumette. Même si vous rentrez manger une soupe à l’intérieur, toujours jeter un coup d’œil par la fenêtre pour s’assurer que votre entreprise ne se transforme pas en feu de brousse.
Quand le feu a bien pris, toujours s’assurer de l’étouffer, de le recouvrir en l’alimentant par des débris humides qui permettent de se débarrasser d’autres détritus gênants comme des grosses touffes de mauvaises herbes et des ronces ou des orties, tous ces trucs nuisibles qu’il ne faut surtout pas tolérer dans sa vie ou son jardin. Etouffer le feu est essentiel, tous les agriculteurs vous le diront, il faut alors apporter de nouveaux éléments à votre entreprise. Il faut montrer que vous avez de la réserve, que ça ne sera pas un petit brulot de rien du tout, que vous êtes vraiment déterminé à aller jusqu’au bout. Tous les bouts de bois qui ne serviront pas au broyage ou pour les fagots doivent être aussi jetés dans le feu sans le moindre scrupule, ce sont ces vieilles idées sèches et inutiles qui vont alimenter la consommation de l’ensemble et produire des braises. On en profite pour faire un ménage rapide dans la maison, certains cartons qui ne vont pas au tri des déchets et qui vous énervent seront très bien là pour relancer les flammes, surtout si vous voulez de la place nette pour y voir plus clair. Vous pouvez même vous amuser à y lancer un livre de quelqu’un que vous n’aimez vraiment pas, c’est absolument pas politiquement correct, mais hey, vous êtes le boss de vous-même et l’auteur ne saura pas que vous lui avez jeté un sort, par une belle journée de printemps, quand les oiseaux chantent le renouveau et que tout le monde est heureux. Et quand le feu est terminé, le lendemain matin, toutes ces cendres et les mottes de terre brûlées seront le meilleur engrais pour les nouveaux massifs du jardin. Les détritus ainsi réduits serviront à l’initiative de nouvelles idées. C’est simple non ?